A Punta Arenas, Costa Rica...

«La bateau est maintenant à quai... On se demande d'ailleurs si l'on peut appeler cela un port. Il s'agit plutôt d'un simple môle de bois qui pique vers le large perpendiculairement à la plage. Aucune défense naturelle ne protège ce môle contre la houle, et les débarquement de matériel deviennent pat gros temps de véritables exercices de voltige. [...] La voiture Savane est maintenant installée dans les filets du mât de charge. Le bateau oscille de plus en plus. Le chef docker lève la main, le treuil démarre, et la Savane s'élève entre les mâts du navire, y progresse par saccades, manquant à chaque instant de s'y fracasser. Les mouvements de la houle lui impriment un balancement angoissant. Immobiles et muets, nous la regardons passer au-dessus de nos têtes, frôler le mât principal, et reposer enfin sur le quai définitivement sauvée. Nous respirons. Sifflets, appels, moteurs de treuils... Le Pick-up s'élève à son tour. Coup de houle, effarement stoïque des dockers!... Le câble dérape sur la gorge de la poulie, les saccades augmentent, «arrêtez», crie quelqu'un, mais en pure perte : le câble se rompt, et après deux mètres de chute libre, le Pick-up vient choir lamentablement à cheval sur le bastingage du navire. Dix centimètres plus loin, l'équilibre était rompu, et la voiture balançait dans l'eau, entre le môle et le cargo... D'après ce que je peux voir de ma place, le châssis paraît complètement faussé, et le capot n'est plus dans le prolongement exact de la carrosserie... Une angoisse terrible nous tenaille. inscrit sur le papier, l'événement perd de son intensité, mais vécu, il prend l'allure d'un cauchemar.. Tous, nous avons tout sacrifié dans la préparation de cette expédition, y jetant quinze jours avant notre départ nos dernières ressources financières. Pour nous, une voiture anéantie, c'est l'échec certain, mais aussi la ruine de l'Équipe criblée de dettes. Que l'on ne croit pas que je dramatise volontairement un incident dont les suites ne se révélèrent pas aussi graves que prévu, mais sérieusement, durant les trois jours qui ont suivi, nous avons envisagé le pire.»