«Ma patrie est bien loin,

Loin de la France et de la terre.»

          Charles Cros

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Albin Michel, 1981

QUATRIEME DE COUVERTURE

TABLE DES MATIÈRES

LA PREMIERE PAGE

DOCUMENTS

 

QUATRIEME DE COUVERTURE

Sur une modeste tombe d'un petit cimetière du Périgord, on peut lire cette épitaphe : Ci-gît Orélie-Antoine Ier, roi de Patagonie, décédé le 18 septembre 1878. La plus étrange épopée qui puisse se concevoir... Durant les vingt-huit année du règne d'Orélie-Antoine, le rêve et la réalité se confondent aux bornes extrêmes du monde, là-bas, en Patagonie, au détroit de Magellan. Qui est Antoine de Tounens, roi de Patagonie, conquérant solitaire, obscur avoué périgourdin embarqué sur les flottes de la démesure, sous pavillon bleu, blanc vert claquant aux vents du cap Horn? Un fou? Un naïf ? Un mythomane? Ou plus simplement  un homme digne de ce nom, porteur d'un grand destin qu'il poursuivra toute sa vie en dépit des échecs, des trahisons, des sarcasmes qui peupleront son existence... Es-tu roi de Patagonie? Je le suis! Il n'en démordra pas. Roi il fut, quelques jours au moins, et toute une vie. Des sujets; il en eut : Quillapan, cacique des Araucans, Calfucura, cacique des Patagons, mais aussi Verlaine, Charles Cros, le commodore Templeton, le général Chabrier, l'amiral Dumont d'Urville, l'astronome Camille Flammarion, le colonel von Pikkendorff, Véronique, reine de Patagonie, au multiple visage, et tant d'autres, le cœur débordant d'émotion, qui se déclarèrent un jour ou l'autre, l'espace d'un instant, sujet du roi Orélie-Antoine. Car nous sommes tous des Patagons.

Cette histoire a un fondement historique vérifiable par tous, mais la passion et l'imagination de Jean Raspail l'ont élevée au rang des grandes aventures de l'esprit. En 1976, dans Le Jeu du Roi, Jean Raspail avait inventé un successeur au roi, un petit garçon de notre temps qui rêvait d'un royaume. Cette fois, c'est aux sources mêmes de cette étranges aventure qu'il plonge les racines de son nouveau roman, peut-être le plus beau, certainement le plus vrai. Car chacun peut y découvrir son propre secret.

Là-bas, en Patagonie, l'homme devient roi. Sa longue nuit s'illumine.

 

TABLE DES MATIERES

PREMIÈRE PARTIE

1. Ce sont les enfants du village qui sont les plus cruels avec moi...

2. Je suis né le 12 mai 1825...

3. Sur mes sept ans, on me mit à l'école...

4. Le grand large, les horizons lointains...

5. Le vie cachée... La vie publique....

6. Ma vie cachée...

7. C'est immense, Paris!

DEUXIÈME PARTIE

 

8. La grande houle de l'Atlantique...

9. A Colon, sur la face atlantique de l'isthme de Panama...

10. Seul...

11. C'est au début de l'année 1859...

12. Valparaiso!

13. Pendant deux mois et demi, le courrier ne m'apporta rien...

14. La Guacolda n'était qu'un méchant caboteur...

15. Villarica, c'était d'abord un lac...

16. A la mi-décembre, j'étais de retour à Valparaiso...

17. L'excès de malheur fonde la grandeur des rois...

18. Le respect fut de courte durée...

19. Le lendemain, je me trouvais debout avant l'aube...

20. L'été, enfin...

21. S'annonce déjà l'automne...

22. La vérité...

23. 15 septembre 1878...

Épilogue

 

LA PREMIERE PAGE

Ce sont les enfants du village qui sont les plus cruels avec moi.

Au Mardi gras, ils se sont déguisés, comme chaque année. C'est un rite chez nous, en Périgord, de les laisser ce jour-là faire toutes les folies qui leur passent par la tête. A Tourtoirac, on n'y manque pas non plus. Les parents ferment les yeux et se bouchent les oreilles. Mardi gras est un jour sans fessées et sans punitions. Même dans ma propre famille, dans la maison que j'habite, où mon neveu Jean m'a recueilli avec ma totale pauvreté, on a fermé les yeux sur l'abomination. Jean souffrait pour moi, je le sais, je le lisais sur son visage, mais il n'a pas dit un mot. Marie, sa femme, ma nièce, a souri méchamment pendant toute cette affreuse journée.

L'idée devait venir d'elle. Il n'y avait qu'elle pour souffler une aussi diabolique idée de déguisement à ses trois filles qui lui ressemblent, surtout l'aînée, Hélène, ma petite-nièce, et qui pourtant me déteste et m'humilie chaque fois que son père a le dos tourné. Elles ont l'âme vilaine et délurée, ces trois gamines. Tous les garçons et les filles de l'école, même leurs deux petits frères, Élie et Antoine, qui sont de bons garçons, leur avaient emboîté le pas. Ils avaient bien préparé leur affaire, en secret. Je les entendais seulement rire sous cape dans la chambre de ma nièce où ils s'étaient enfermés à double tour pour préparer leurs costumes à grand renfort de couvertures dont ils avaient vidé pour la journée tous les lits de la maison. Les couvertures ! Ma nièce, si économe, si avare, si peu prêteuse, à qui l'on aurait arraché le cœur plutôt que de lui tirer cinq sous, fallait-il qu'elle l'ait voulue, cette mascarade, pour me faire mal une dernière fois!

Quand au midi du Mardi gras ils ont formé leur cortège, à l'entrée du village, derrière le tambour et la flûte qui jouaient cette fois un air qui ne ressemblait à rien de périgourdin, quelque chose de tout à fait désordonné et barbare, j'avais compris avant même que de les voir apparaître au bout de la rue. Il faisait beau. Assis sur mon banc que le soleil chauffait un peu, devant la boucherie de mon neveu Jean, en face de l'auberge du Commerce où Emile Guilhem s'était planté sur le seuil en compagnie des voyageurs et cochers, déjà rigolards, qui formaient sa table d'hôte du jour, je savais que rien ne me serait épargné. Pourquoi suis-je resté sur ce banc à attendre ces enfants qui me trahissaient, conduits par un Judas en nattes blondes, ma petite-nièce Hélène, au lieu d'aller m'enfermer dans la mansarde où j'avais mon lit? Parce que je suis le roi, que je l'ai proclamé sans me lasser depuis mon avènement, sous tous les rires et toutes les avanies. Lorsqu'il ne subsiste plus que celle-là, la majesté de dérision est encore une royauté.

Les couvertures, je l'avais deviné, c'était pour s'en faire des ponchos. Ils avaient barbouillé leur visage de traits de peinture multicolores, ceint leur front de bandeaux de tissu rouge dans lequel était plantée une dérisoire plume de coq, les garçons brandissaient des lances taillées dans les bambous de l'Auvézère, notre petite rivière si charmante et si paisible et si éloignée des flots furieux des torrents qui descendent des Andes vers les plaines immenses de mon royaume, et tous gesticulaient comme des possédés. Cela m'avait fait sourire malgré moi. Je leur avais tant de fois décrit mes pauvres sujets les Indiens, patagons et araucans, quand à certains instants de grâce enfantine ils voulaient bien encore m'écouter gentiment...

DOCUMENTS

Monnaie frappée par Antoine de Tounens

Tombe d'Antoine de Tounens à Tourtoirac (Dordogne)