«Ce livre est le prolongement naturel de Qui se souvient des Hommes...
Il s'agit du même univers intemporel
où l'on retrouve comme un reflet de lune
le souvenirs de peuples oubliés.
»

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Robert Laffont, 1986

 

QUATRIEME DE COUVERTURE

TABLE DES MATIÈRES

A MES LECTEURS

 

QUATRIEME DE COUVERTURE

Ils s'appelaient eux-mêmes les Hommes. Ils étaient parvenus à cette extrémité de la terre - qui devait, bien plus tard, être nommée Terre de Feu —, au terme d'une si longue migration qu'ils en avaient perdu la mémoire. Sans cesse poussés par de nouveaux envahisseurs, ils avaient traversé un continent et des millénaires dans l'ignorance et la peur. Ils s'étaient établis là où, semblait-il, nul ne pouvait les rejoindre, tant sont cruels le ciel, la terre et la mer dans cet enfer austral. Ils furent peut-être un peuple; ils ne furent plus que des clans, puis des familles. Un jour, et c'est demain, il n'y aura plus que Lafko — Lafko, fils de Lafko, fils de Lafko depuis le fond des âges - , le dernier des Hommes, celui que nous voyons, à la première et à la dernière page de ce livre, tenter de trouver dans la tempête la grève où il pourra mourir, seul sous le regard de Dieu.

Dans l'intervalle, depuis le rêve de Henri le Navigateur et l'apparition des vaisseaux de Magellan, les Hommes, ces « sauvages », ont regardé passer l'Histoire et l'ont subie. Demain, Lafko va se perdre dans la nuit.

Qui se souvient des Hommes ?

Jean Raspail, pour avoir rencontré l'un des derniers canots des Alakalufs (tel est leur nom moderne), ne les a pas oubliés. Dans ce livre - que, faute de mieux, il qualifie de « roman », mais « épopée » ou « tragédie » seraient sans doute plus exacts —, il recrée le destin de ces êtres, nos frères, que les hommes qui les virent hésitèrent à reconnaître comme des hommes.

C'est une immense et terrible histoire. Et c'est un livre comme il n'en existe pas aujourd'hui, et dont on sort transformé.

TABLE DES MATIERES

I. Un homme et un canot

II. La nuit des temps

III. Les années immobiles

IV. Les secrets de Nuremberg

V. Magellan

VI. Port-Famine

VII. Ces messieurs du siècle des Lumières

VIII. Waka la jeune revient d'Angleterre

IX. Alakaluf

X. Les cannibales de la Junon

XI. Le Mort-Mort

XII. Port Paradis

XIII. Lafko

AVERTISSEMENT
A MES LECTEURS

Ce livre est un roman.

Je l'ai écrit à partir de témoignages historiques, de recherches personnelles et de différentes hypothèses. L'absence totale de sensibilité moderne de la part de tous ceux — Darwin notamment - qui furent mis autrefois en présence des Alakalufs, durant cinq siècles, leur incapacité à se mettre dans la peau de « l'autre » m'ont conduit justement au roman. C'était le seul moyen, par le cœur et l'imagination, de rendre justice à ce peuple que personne n'avait jamais écouté.

A l'exception de José Emperaire. Ce chercheur du musée de l'Homme a consacré sa vie aux Alakalufs. Il en est mort, presque aussi oublié que ce peuple dont il avait percé le secret. Son livre publié chez Gallimard en 1955, Les Nomades de la mer, n'a jamais été réédité, même en poche. Cette absence me semble aussi désolante que le seraient celles de Soustelle, de Lévi-Strauss ou d'Alexandra David-Neel.

Je dois aussi souligner un fait : en 1951, lors d'un voyage en Terre de Feu, franchissant le détroit de Magellan, j'ai rencontré, l'espace d'une heure, sous la neige, dans le vent, l'un des derniers canots des Alakalufs. Je ne l'oublierai jamais. C'est toujours la même scène décrite par d'autres voyageurs, Byron, Bougainville, Dumont d'Urville, l'amiral Barthes, José Emperaire lui-même. Elle m'a hanté, dans Le Jeu du Roi, notamment, et dans deux autres de mes livres. Enfin, cette fois, je l'exorcise, en lui donnant sa vraie dimension, je l'espère, à la mesure de l'éternité où repose à présent ce peuple. Cette rencontre au carrefour des temps est le fondement de mon livre : quelques braises au centre du canot pour faire renaître le feu, deux femmes en haillons, un enfant triste, trois rameurs aux yeux d'outre-monde... D'avoir mesuré le fossé qui me séparait de ces malheureux m'en a justement rapproché.

Les Alakalufs ont porté différents noms au cours de leur longue histoire, mais nul avant José Emperaire n'a su comment ils se désignaient eux-mêmes: Kaweskars, les Hommes. On les croyait dépourvus de vrai langage, s'exprimant par onomatopées. En réalité ils avaient une langue très riche où manquaient seulement tragiquement les mots qui expriment le bonheur et la beauté. Pour ne pas lasser le lecteur, je n'ai fait appel qu'avec parcimonie à leur vocabulaire, recueilli par José Emperaire. Un glossaire n'est pas nécessaire. Par les rares mots que je leur ai empruntés, j'ai simplement voulu retrouver une musique de l'âme aujourd'hui définitivement disparue.

A certains de mes lecteurs catholiques qui risqueraient d'être choqués par le chapitre consacré à la mission salésienne de l'île Dawson, je dirai qu'il y a eu là, véritablement, douloureusement, une double incompatibilité absolue : celle des Alakalufs avec la civilisation et avec la révélation évangélique. La mission catholique de l'île Dawson restera l'une des causes déterminantes de la disparition des Alakalufs. Ils ne croyaient pas en un dieu bon et miséricordieux, et ce dieu le leur a fait payer. Comme il m'est difficile de l'admettre, j'ai donc imaginé un autre développement : Dieu est en effet un personnage de ce roman.

J.R.