«Du peuple caraïbe qui dominait autrefois les Antilles,
il ne reste aujourd'hui que cent survivants...»
 

 

 

Nathan, 1980

 

QUATRIEME DE COUVERTURE

TABLE DES MATIERES

EXTRAIT - PREMIER CHAPITRE

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QUATRIEME DE COUVERTURE

Un voyage sur le grand arc des îles vertes et blanches qui bordent la mer bleue des Caraïbes. Les français les appellent : Antilles. Les Anglais : Indes occidentales. Mais là-bas, on dit : la Caraïbe ! Chaque île y est un univers clos, préservé, mais fragile. Chaque île y est une découverte, et il n’y a pas de plus exaltante sensation que de voir une île apparaître un matin, aux Antilles, depuis le pont d’une goélette ou le hublot d’un petit avion… 

TABLE DES MATIERES

 

1. les indiens caraïbes (Dominique, Guadeloupe, Marie-Galante)

2. Haïti et l’île de la tortue

3. Les îles du nord (Antigua, Saint-Christophe,  Saba,  Barbuda, Saint-Barthélemy, Saint-Eustache, Saint-Martin, Iles Vierges, Porto-Rico, Jamaïque, Bahamas, Iles Turques, Iles Caïques

4. Les Antilles françaises (Marie-Galante, Désirade, Les Saintes, Guadeloupe, Martinique)

5. Les îles du sud  (Sainte-Lucie, Saint-Vincent, Carrjacou, Bequia, Les Grenadines, Union Island, Moustique, Mayéro)

EXTRAITS

LES INDIENS CARAÏBES

A tout seigneur, tout honneur ! Voici les seuls maîtres légitimes (1) des îles à l'est du Mexique. On les croyait tous morts, à la suite d'un génocide parfait. Il en reste un peu plus d'une centaine, dans l'île magnifique et sauvage de la Dominique, au fond de la dernière réserve des derniers Caraïbes. Et peut-être cà et là, dans l'une ou l'autre des Petites Antilles, au fond du regard et de la mémoire d'un Antillais noir aux yeux bridés et aux cheveux à peine crépus descendant d'un lointain Caraïbe absorbé au sein de la race noire par extinction de sa propre race...

Dès 1496, lors du second voyage de Christophe Colomb, à Saint-Domingue ils sont déjà exterminés. Leur jeune reine Anacanoa périt avec tous ses sujets. Mais aux Petites Antilles ils résistent, groupés en ligue guerrière dont la tête se trouve en Guadeloupe. On leur envoie des missionnaires. Ils les dévorent à belles dents, avalant l'effectif de plusieurs couvents. C'est à peu près l'époque — 1640 — où Français et Anglais débarquent aux Iles du Vent. Après une période de cohabitation pacifique où ils apprennent aux colons affamés l'usage comestible de la patate douce, du manioc, de la banane, de l'ananas, du gros lézard qui a goût de poulet, de la tortue, du crabe de terre, mais qui sera de courte durée, les combats reprennent. Partout les Caraïbes sont vaincus... Morne des Sauteurs, rocher des Sauteurs, cap des Caraïbes, dans chaque île des lieux-dits identiques rappellent leur fin tragique. Plutôt que de se rendre et de périr par mousqueterie, ces hommes terribles se précipitent dans les flots du haut des falaises, avec femmes et enfants. Ils disparaissent dans la mer qui porte leur nom et dont ils étaient les seigneurs. Sauf en Dominique où quelques survivants ensanglantés parviennent à se rassembler pour le dernier combat.

C'est alors qu'ils peuvent se compter. Nous sommes au milieu du XVIIIe siècle. A peine un millier de Caraïbes, peuple d'ombres ! Le miracle qui les sauvera, c'est que ces ombres inspirent encore la terreur. Les gouverneurs de toutes les îles et de toutes les nations leur offrent la paix, sous condition que les guerriers ne s'éloigneront plus jamais des rivages de la Dominique. Ce sera le seul traité, dans cette partie du monde, que les Blancs aient respecté. La paix... Mais aussi les maladies, les épidémies, l'inaction, l'ennui qui s'empare de ces nomades de la mer devenus sédentaires... Les voilà aujourd'hui à peu près cent cinquante de race pure, et cinq ou six cents métis essaimes autour d'eux parmi les descendants des esclaves noirs mais qu'ils comptent pour négligeables.

Ce ne fut pas leur dernier combat. En 1964, ils sont encore capables de reprendre les armes ! Quand l'État noir de la Dominique, fraîchement autonome, envoie sa police armée pour tenter de mettre fin au particularisme de la réserve caraïbe, à grand envol de flèches, des archers caraïbes du roi Pierre Fernandoir couchent sur le flanc une demi-douzaine d'envahisseurs. A coups de fusil, la riposte fait cinq morts. Mais alors que la défaite des Caraïbes est certaine, le dernier gouverneur britannique de la Dominique, sur le point d'embarquer, proclame la réserve caraïbe sous la protection de la reine d'Angleterre et lui octroie une constitution de quasi-indépendance, laquelle, sans être reconnue de jure par le nouveau gouvernement noir de la Dominique, est toutefois respectée de facto. Il y a là un problème politique, racial et humain qui ne manquera pas d'éclater un de ces jours, cette fois dans l'indifférence générale.

J'ai fait plusieurs voyages dans la réserve caraïbe, de 1966 à 1979. J'y ai connu trois rois, Pierre Fernandoir, Francis Fernandoir et Frederick Hillary, qui se transmettaient le sceptre des caciques caraïbes, longue canne vernie surmontée d'un lourd pommeau d'argent ciselé de quatre couronnes en bas-relief et coiffé d'une cinquième couronne royale avec croix faîtière et arceaux en corolle, don de la reine Victoria à la dynastie caraïbe, ainsi qu'une écharpe de commandement qu'ils portaient en sautoir, brodée et frangée comme une étole.

Jean Raspail et l'archéologue Edgar Clerc