Le Figaro du 21 décembre 1992 |
Pourquoi les préfet de police interdit-il cette manifestation ? Pourquoi le cardinal Lustiger refuse-t-il une cérémonie religieuse à Notre-Dame ?
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Le
21 janvier 1793, place de la Révolution, aujourd'hui place de la
Concorde, à 10 h 22 du matin, Charles-Henri Sanson, le bourreau,
accomplit son affreuse besogne. Ensuite son fils, Henri Sanson, trouva
l'abominable courage d'empoigner par les cheveux la tête tranchée du roi
et de la brandir comme un trophée. L'homonymie est singulière et je n'en tire, évidemment, aucune comparaison déplaisante, mais c'est M. Sanson, préfet, directeur du cabinet de M. le préfet de police, qui a notifié par deux fois au comité que j'ai l'honneur de présider et qui est soutenu par quatre-vingt personnalités prestigieuses, le refus de M. le préfet de police d'autoriser la commémoration que nous souhaitions - que nous souhaitons toujours - organiser place de la Concorde, dans le recueillement, la dignité, et hors de toute préoccupation politique.
Dans ces mêmes colonnes, en janvier
dernier, j'avais lancé un appel, largement repris ailleurs, pour que ce
bicentenaire ne soit pas oublié. Notre projet était simple et ne
menaçait pas l'ordre public : délimiter un périmètre sacré à
l'emplacement de l'échafaud, du 21 au 24 janvier, et inviter ceux qui le
souhaiteraient à venir y déposer des fleurs aux jour et heure de leur
choix. En dépit d'interventions multiples du cabinet du maire de Paris,
le préfet a tranché : non. Motif avancé : « Le caractère sauvegardé du
site de la place de la Concorde entraînant une position de principe
constante de refus d'autorisation.., » Voire !
Et SOS Racisme ? Encore n'est-ce pas la seule dérogation connue…
J'ai donc posé une seconde demande, plus modeste,
avec l'appui renouvelé de la mairie de Paris, limitant cette
commémoration à la seule journée du jeudi 21 janvier. Le couperet est
encore tombé : non. Et le préfet de nous inviter à aller « manifester »,
autre part, comme si l'emplacement de l'échafaud, site unique du
sacrifice, pouvait être déplacé çà ou là selon la volonté des
autorités. A cela j'ai le devoir de répondre que le roi Louis XVI est
mort pour la France place de la Concorde et non ailleurs, et que c'est
place de la Concorde que, pour ma part, je serai, avec ceux des membres
du comité d'honneur qui auront décidé de s'obstiner, le 21 janvier
prochain, à 10 h 22. Peut-être n'y serons-nous pas seuls... Et qui sait
si, d'ici là, le préfet n'aura pas changé d'avis ? Je le lui demande.
Nous le lui demandons, au nom du sang versé autrefois par un roi qui a
pardonné.
Nous souhaitions également, dans notre coupable
naïveté, une cérémonie religieuse nationale à Notre-Dame de Paris,
cathédrale et symbole de notre foi et de notre pays. Cela n'a pas été
possible.
Je crois que c'est le mot national qui a heurté M.
le cardinal Lustiger. Je comprends et je respecte ses raisons, qu'il
m'avait exprimées de vive voix en des termes qui n'étaient pas
précisément paternels. Je le dis parce que je dois des réponses vraies
à nos dizaines de milliers de correspondants. C'est donc à
Saint-Germain-l'Auxerrois, le samedi 23 janvier, avec l'accord du
cardinal qui sera absent de Paris ces jours-là, que nous avons replié
notre cérémonie religieuse nationale, qui prendra la forme d'une messe
pontificale de Requiem précédée, le 20 janvier au soir, à la basilique
Saint-Denis, d'une veillée de prières à la mémoire du roi Louis XVI. Il est important de souligner qu'à l'instigation de notre comité, plusieurs évêques ont accepté d'ouvrir leur cathédrale le 21 janvier, notamment à Strasbourg, Bordeaux, Chartres, Nantes, Cahors, Tournai... A Versailles, c'est sur l'initiative du maire et de l'évêque qu'un service sera célébré en présence de Mgr le comte de Paris, le président de la République y ayant été officiellement invité ! Mgr le duc d'Anjou, pour sa part, sera sans doute présent à Saint-Denis le 21 janvier. Il y a un peu d'éparpillement. Même à l'occasion de ce bicentenaire, les différences restent marquées. C'est dommage. Peut-être qu'en 2093... Mais au moins, durant toute la semaine du 17 au 24 janvier, aux alentours de la Concorde et tout à fait légalement, grâce aux dons reçus par notre comité, le testament du roi Louis XVI, ce testament de pardon et d'innocence sera-t-il affiché aux yeux de tous ? Jean RASPAIL |