RÉMI FONTAINE

LE LIVRE D'HERMINE

Éditions ELOR, St Vincent Oust, 1994

 

- PRÉFACE -

 

Parlant avec Rémi Fontaine de cet excellent et beau –forme et fond- livre qu’il me demandait de préfacer, mes souvenirs de scoutisme me revenaient en foule. Cela se passait de 1943 à 1950, entre ma dix-huitième et ma vingt-cinquième année. Chef de troupe, puis de groupe (36e Paris, à présent rayée de la carte), puis commissaire-assistant de province, combien de promesses scoutes avais-je eu l’honneur de recevoir de la part d’enfants au regard clair, à l’allure nette ? Sans doute une centaine. Se le rappellent-ils ? Si Dieu leur a prêté vie, ils ont aujourd’hui plus de soixante ans. Peut-être qu’une petite flamme brille encore pour eux de temps en temps, éclairant ces merveilleux recoins du cœur où se réfugie le meilleur de nous-mêmes, c’est à dire ce qui a échappé aux fatales compromissions de la vie. A cette évocation, certains doivent hausser les épaules, mais d’autres j’en suis certain, tendent la main à l’enfant qu’ils étaient, retrouvant avec nostalgie le bonheur et la fierté de cette chevalerie éternelle qui ce jour-là les accueillait.

Le cérémonial de la promesse des Scouts de France de ce temps-là était d’une admirable simplicité. Chaque mot portait. Chaque geste comptait. Je me souviens…Sur le front des patrouilles alignées en carré, devant l’étendard vert à croix blanche, l’aspirant s’avançait et je lui demandais :

            -Que désirez-vous ?

            Car on lui disait vous, à l’enfant, avec politesse et respect. Imagine-t-on cela, aujourd’hui ! Le tutoiement scout ne venait qu’après, mais pas un tutoiement de copinage, de licence ou de facilité. Puis-je rappeler à ce propos que les Scouts de France ne tutoyaient pas le « Seigneur Jésus » ainsi qu’en fait foi leur admirable prière que je n’ai pas non plus oubliée…Et l’enfant répondait :

            -Devenir Scout de France

            -Pourquoi ?

            -Pour apprendre à mieux servir Dieu, l’Eglise, la Patrie.

            -Quel avantage matériel en attendez-vous ?

            -Aucun.

Les mots claquaient comme des drapeaux au vent. Et celui-là : aucun ! Un seul mot était dit. Rien de cul-cul, de contrefait, de verbeux. Un cérémonial d’hommes pour des enfants. Et pas n’importe quels hommes : ceux de la chevalerie, du sacrifice, de l’honneur de Dieu et du Pays. Est-ce qu’on jouait ? Peut-être bien. L’uniforme, les mots, les chants, le silence aussi, l’étendard de la troupe qui s’incline à l’horizontale, les scouts qui saluent et le gamin qui fait sa promesse, qui prononce des paroles d’homme…J’ai toujours pensé que le sens scout du sacré relevait du jeu subtil que nous tenions directement de Dieu.

 

   Jean Raspail