«L'aventure commence aujourd'hui même.
Nous devons la vaincre, la dominer,
et justifier la confiance que nous avons toujours témoignée.»

Julliard, 1953

TABLE DES MATIÈRES

QUATRIÈME DE COUVERTURE

COMMENTAIRES

EXTRAITS

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CARTES

 

TABLE DES MATIÈRES

   
 

 

1. Une épreuve de force : Paris-Buenos-Ayres

2. Patagonie, carrefour des vents

3. L'automobile la plus australe du monde

4. Les Andes du Sud

5. Altitude 4.800

6. Dans la boue équatoriale

7. Nous traversons les sierras colombiennes

8. Deux républiques par jour

9. Guatémaltèques et Mexicains

10. Une nation motorisée

11. A travers le Grand Nord

12. Moralité d'un grand retour 

 

 
   

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QUATRIÈME DE COUVERTURE

L'expédition Terre de Feu-Alaska, entreprise par l'équipe Marquette, équipe d'anciens routiers, et à la tête de laquelle se trouvaient Jean Raspail et Philippe Andrieu, est une tentative raisonnée pour témoigner de l'endurance du matériel français et de la méthode de ceux qui ont préparé cette merveilleuse promenade. Équipés de deux camions français, partis des brumes glacées de l'extrême sud américain pour gagner l'extrême nord de ce continent qui s'étend presque d'un pôle à l'autre, les voyageurs ont affronté aussi bien les sables et les boues des déserts que les pentes les plus escarpées des Andes. Ils ont eu parfois plus de mal à franchir des postes frontières que des cols isolés mais partout ils ont su faire briller nos couleurs. Ils ont récolté des renseignements passionnants sur les races et les civilisations qu'ils ont rencontrés; ils nous donnent un image saisissante de ce continent gigantesque, héritier de nos richesses et qui cependant nous offre à son tour une série de civilisations bien originales et bien distinctes les unes des autres. Le récit fourmille d'anecdotes, de traits inattendus. C'est vraiment le plus merveilleux des voyages.

COMMENTAIRES
Arpentage...

A propos de Terre de Feu-Alaska, il paraît que Jean Raspail fit récemment cette confidence : «Le livre ne sera pas réédité», il en rachetait d'ailleurs les exemplaires au fur et à mesure qu'il les dénichait chez les bouquinistes, parce que, déclara-t-il, «le livre est mal écrit».* Plus étonnant encore, Jean Raspail aurait ajouté avoir tout ignoré, à l'époque, du «roi de Patagonie». Pourtant, Marc Valette, dans le petit carnet de bord qu'il tint au cours de l'expédition, note en date du 19 octobre 1951 : «Jean Raspail s'estime le légataire moral de ce Français nommé Tounens, aventurier utopiste, qui régna quelques jours seulement sur cette terre qui n'appartenait alors qu'à quelques tribus...»

En outre, l'ouvrage est loin d'être dépourvu d'intérêt. Certes, il s'agit d'un pur récit de voyage, dans lequel se trouvent consignés le parcours effectué et les aléas du quotidien, sans qu'y figure, sinon en filigrane, ce qui, par la suite, sera la marque singulière de Jean Raspail; mais on y pressent déjà le conteur et aussi le regard qui s'attache, davantage qu'aux paysage, aux hommes, à l'inattendu, parmi eux, à l'incongru, au vestige qui témoigne d'un passé au bord de l'abîme... comme à ces «immenses Indiens» d'Equateur, portant à la place de l'habituel poncho, une simple tunique noire sans manches et une culotte noire non cousue, qui seraient les derniers descendants des gardes du corps de l'Inca, Empereur et Fils du Soleil. Et Jean Raspail de noter qu'il existerait même encore un «Empereur occulte», descendant du dernier Inca, annonçant ainsi, en quelque sorte, les héros de ses romans à venir, Sire et L'Anneau du pêcheur... Il y a ces quelques Français - chercheurs d'or, éleveurs, aventuriers... -, perdus au milieu de nulle part, croisés lors du périple, et qui, parfois, écriront aux six aventuriers, comme ce Français de Bariloche qui, trois mois après le passage de l'Équipe Marquette, écrit à Jean Raspail : «Avec vous six, j'avais accroché un morceau de notre grande et éternelle France, et tant que vous avez été dans nos murs, je me suis senti moins seul.»

Ce qu'il y a donc de remarquable dans l'ouvrage, c'est qu'une bonne part de ce qui constituera bientôt l'univers  de l'écrivain y est en puissance - on y trouve même un précurseur du Président Césette (voir Le Tam-tam de Jonathan) en là personne d'un politicien équatorien -, comme s'il s'agissait pour lui, à travers cet immense voyage, d'un tour de piste préalable, avant un retour qui, cette fois, donnera lieu à l'écrivain de  s'exprimer pleinement.

De cet ouvrage, enfin, sourd cette mélancolie particulière due au temps qui est passé depuis lors, et qui imprime au récit une coloration pleine d'émotions, un peu comme si les années 50 au cours desquelles l'aventure se déroule appartenait à un autre temps, à un autre monde, tant le récit est empreint d'un enthousiasme, d'une ferveur (le mot même n'est-il pas devenu un peu désuet?), d'une "juvénilité" que l'on serait en peine de retrouver dans bien des récits de voyages d'aujourd'hui...

Et précisément, lié au temps passé depuis lors, une autre des richesses de l'ouvrage réside dans  l'évocation des lieux, des villes, des pays traversés et qui - on s'en serait douté, avant que ne vienne nous le confirmer Adiós, Tierra del Fuego  -, ont dû singulièrement changer depuis le temps... A commencer par le Buenos-Aires de Juan et Evita Peron :

 «Il est difficile d'apprécier justement une capitale transformée en un gigantesque panneau d'affichage. Le slogan "Peron cumple, Evita dignifica", Peron entreprend, Évita dignifie, s'étalent sur tous les murs de la ville. Les marbres des plus beaux hôtel sont couverts de ces inscriptions, les arbres des parcs, les bancs des avenues, jusqu'à l'asphalte des avenues, jusqu'à l'asphalte des rues principales...»

Bref, Terre de Feu-Alaska est un récit d'aventures, plein de verve et d'humour, que l'on prend plaisir à lire, tant il est rempli de péripéties époustouflantes et d'anecdotes rendues sur un ton dans lequel, déjà, perce la distance empreinte d'une légère touche d'ironie propre aux oeuvres à venir de Jean Raspail. 

Mal écrit ? Allons donc ! On a lu bien pire, dans le genre, depuis lors!...

© Ph. HEMSEN

 */ Information recueillie sur le site de J.M. Saliège - voir la page des liens

 

EXTRAITS...

A sept cents kilomètres au sud de Buenos-Ayres,   aux frontières de la Patagonie, la Savane et le Pick-up ont stoppé avec un ensemble parfait. Il est 11 h. 30 et les six membres de l'Équipe descendent de voiture,  l'événement mérite un certain cérémonial. Le goudron vient d'interrompre net le long ruban qu'il déroule depuis notre départ de la capitale argentine. Devant nous, la route de terre, mauvaise et cahoteuse, part à l'assaut des plateaux arides de la Patagonie. Le vent soulève un mince nuage de poussière. Nous voici maintenant face à la réalité, face à nos responsabilités. Il est trop tard pour reculer, et nous n'en avons d'ailleurs aucunement l'intention. L'aventure commence aujourd'hui même. Nous devons la vaincre, la dominer, et justifier la confiance que nous avons toujours témoignée.

… Le début réel de cette histoire se situe sur le Mis­sissipi, au mois de novembre 1949, quelque part entre les villes de Saint‑Louis et de Memphis.

Sur deux kilomètres de largeur, le fleuve roulait à gros bouillons ses eaux bourbeuses et opaques. Un fort vent du Sud soulevait contre les canoës de l'Équipe Marquette un clapotis brutal. En six mois, nos deux équipages avaient remonté le Saint-Laurent et les rapides de l'Ottawa, longé à grand-peine les côtes désertes du lac Huron, puis celles du Michi­gan, et enfin rejoint le monstre Mississipi. Malgré trois naufrages successifs et la perte des trois quarts de notre matériel, en dépit de la fatigue accumulée par quatre mille kilomètres de pagaïe, nous, c'est-à-dire Jean Raspail, Philippe Andrieu, Jacques Boucharlat et Yves Korbendau, approchions enfin de la Nouvelle-Orléans, terme de notre voyage. Vers nos minuscules embarcations convergeaient la curiosité, l'intérêt et la sympathie de milliers d'Américains pour qui la France est une seconde patrie, lointaine, mais parée de toutes les séductions. Notre personna­lité de « raiders » originaux nous permettait plus qu'à tout autre voyageur de pénétrer dans le cœur même du pays et celui de ses habitants. A coups de pagaïe, nous remontions les siècles, fouillant le passé de ces plaines immenses du Mississipi qui doivent leur exis­tence aux pionniers français contemporains de Mar­quette et de La Salle. Nous prenions conscience de nous trouver là, non par sport, mais pour connaître et pour comprendre, pour aimer aussi, au nom de millions de Français qui ne voyageront jamais. Partis vers une belle aventure de jeunesse, nous en découvrions peu à peu la signification profonde. Bien plus qu'une vie simplement séduisante nous avions trouvé un idéal.

Ainsi s'orientaient nos pensées durant les longues heures, où les doigts crispés sur l'aviron, nous pouvions méditer à loisir. Toujours pagayant, nous nous grisions des joies d'un conquistador qui jongle avec la mappemonde, cherchant ce que personne n'avait encore réalisé pour le porter à l'actif des Français. L'avenir nous intéressait plus que la monotonie de ce Mississipi. D'un jour à l'autre, notre plan futur se précisait : Joindre les deux extrémités d'un monde, la Terre de Feu à l'Alaska, en automobile. N'utiliser pour cela que du matériel français. Nous ne parlions plus que de ce projet, nous le vivions à l'avance : ... dix-sept pays à traverser, dix-sept peuples à com­prendre. Des milliers de gens auxquels il faudrait rappeler qu'au fond de leur cœur, ils se sentent tous un peu des Français. Quarante mille kilomètres à par­courir, dont plus de dix mille où l'automobile demeure encore un moyen de transport de l'avenir !...

Quinze jours après notre retour des États-Unis, c'est-à-dire dès février 1950, les premiers pas étaient déjà réalisés dans la préparation de cette nouvelle entreprise. L'Équipe Marquette, concrétisation des rêves de l'adolescence, s'attaquait désormais à des projets d'hommes.

 


   La meilleure façon de gagner l'estancia la plus proche est encore de suivre la ligne. téléphonique. La route y conduit bien sûr, mais le plus difficile est de distinguer entre le chemin lui-même et le fossé. On discerne bientôt une manche à air au bout de son poteau courbé par le vent. Une piste d'atterrissage en parfait état se dessine lentement, tandis qu'un groupe de chevaux à demi sauvages galopent et soulèvent un nuage de poussière. Depuis quelque temps le pipper-cub du facteur rural apporte les nouvelles de Buenos-Ayres.

Il est maintenant près de six heures. La loi exige que l’on atteigne l'estancia avant la chute du soleil. Un cavalier s'élance bientôt vers nous, comme appa­raissent les premiers bâtiments. Sans un mot, il nous guide, le poncho flottant sur les épaules. Une demi-heure plus tard, nous atteignons les bureaux de l'estanciero. Celui-ci Anglais de pure race, au teint brûlé par le vent, aux vêtements impeccables, nous accueille, et quelques instants plus tard nous foulons de nos chaussures boueuses, un tapis moelleux aux couleurs chatoyantes. Notre tenue importe peu, elle est celle de tous les voyageurs de passage. Le verre de whisky à la main, nous contons notre aventure que pourtant personne ne nous demande. D'où nous venons leur importe peu. Les lois de l'hospitalité sont ici les plus belles du monde. No us n'avons rien demandé, si ce n'est un simple local où nous pourrions étaler nos sacs de couchage et manger quelques sandwiches. Un quart d'heure plus tard, un maître d’hôtel en veste blanche et nœud noir nous présente, devant une table impeccable, les meilleurs plats. Dehors, le vent rugit, la route est boueuse, les chevaux piaffent, mais dans cette salle à manger de pur style anglais, on se croirait partout ailleurs, sauf en Patagonie…

L’estanciero nous entretient des dernières nouvelles de Buenos-Ayres, du récent ouvrage de Gide, de Saint­-Germain-des-prés qu'il n'a jamais vu et connaît par cœur, ou des derniers exploits du boxeur Robinson. Il sait que Jane Russel prépare un film et que le Missouri est en crue. Puis il nous donne un mot d'intro­duction pour son meilleur de l'Estancia Josephina, à quelque 1.500 kilomètres de là et finalement se retire en souhaitant «buena noche». Le maître d'hôtel nous conduit alors à nos chambres en s’excu­sant de ne pouvoir en offrir une pour chacun de nous..

Et nous nous, endormons en louant l'hospitalité argentine. Dans la nuit, l’éolienne grince sur son pivot et le bruit de ses pales tournant au vent à pleine vitesse nous remet en mémoire l'étrange pays que nous visitons.

 

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