«Il n'avait rien oublié de son passé
mais s'était accommodé de ses souvenirs.
Ils les avaient annulés.
Le destin venait seulement de lui rappeler
qu'il n'avait jamais pardonné...»

 

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Éditions Mercure de France, 1985 & Éditions Albin Michel, 2002

 

QUATRIÈME DE COUVERTURE

TABLE

COMMENTAIRES Extraits

 

QUATRIEME DE COUVERTURE
(1ère édition - 1985)

«On connaît le principe de cette collection: inventer un crime parfait. Or quel milieu s'y prêtait mieux que celui de la politique? Les crocodiles s'y entre-dévorent plus férocement qu'ailleurs et certaine mises à mort peuvent atteindre la perfection. C'est donc celui-là que j'ai choisi, en France, et aujourd'hui, ou tout juste demain. Cela stimule. Je m'y suis beaucoup amusé. Selon la formule consacrée, toute ressemblance serait fortuite, mais enfin on se retrouve vite en pays familier. Dans la galerie de portraits, on peut faire feu de tout bois.

L'intrigue? Impossible à dévoiler : tout est magistralement combiné, je le prétends sans modestie! Cela commence par un sombre règlement de compte à la Libération et se poursuit quarante ans plus tard à l'Élysée, puis lors d'un voyage officiel en Amérique latine, autour d'un président de la République particulièrement tordu et doué...»

       Jean Raspail

QUATRIEME DE COUVERTURE
(2ème édition - 2002)

Inventer un crime parfait. Quel milieu s'y prête le mieux que celui de la politique ?
Les crocodiles s'y entre-dévorent plus férocement qu'ailleurs et certaines mises à mort peuvent atteindre la perfection. C'est donc celui-là que j'ai choisi. Selon la formule consacrée, toute ressemblance serait fortuite, d'autant que ce texte fut écrit dans les années 80, mais enfin on se retrouve vite en pays familier. Dans la galerie de portraits, on peut faire feu de tout bois.
Cela commence par un sombre règlement de comptes à la Libération et se poursuit quarante ans plus tard à l'Élysée, puis lors d'un voyage officiel en Amérique latine, autour d'un président de la République particulièrement tordu et doué…
Sujet scabreux ? Stimulant plutôt, car il s'agit en réalité de tout autre chose que de politique. Ce roman est l'histoire d'une ambition, avec son tumultueux cortège : l'amour, la trahison, l'amitié, la haine, la fidélité, le cynisme, la naïveté, la vengeance.»

       Jean Raspail

TABLE

1. 30 janvier - Flottant au-dessus du paysage désespérément plat...

2. 30 janvier (suite) - La piste filait plein sud...

3. 7 février - Le président Antoine Bunus ne s'étant jamais levé tôt...

4. 7 février (suite) - Boislieu se fit déposer au coin de la rue Royale...

5. 8 février - A huit heures...

6. 13 février - Ah! la servilité des vieux routiers...

7. 14 février - La présidente occupait un bureau-boudoir...

8. 19 février - Étrange conjuration en vérité...

9. 21 février - Boislieu se sentait en forme...

10. 13 mars - En rentrant à Paris, Boislieu fut saisi dans un tourbillon...

11. 15 mars - Un autre avion...

12. 15-16 mars - Ils ne s'étaient pas couchés tard...

13. 16 mars - Le pouvoir suprême élève un mur invisible...

 

COMMENTAIRES
L'un / L'autre


Le thème du double est probablement l'un des thèmes parmi  les plus fertiles de la littérature, parmi les plus exploités par conséquent, depuis les récits légendaires de jumeaux fondateurs de civilisations, jusqu'aux clones de la science-fiction, en passant par l'ombre ou le reflet romantique vendu au diable. C'est aussi l'un des thèmes littéraires parmi les plus étudiés, dans le monde universitaire...

Mais peut-être reste-t-il encore une étude à produire sur le sujet... (à moins qu'elle ne l'ait déjà été, sait-on jamais?), qui consisterait à observer à quel moment de la carrière des écrivains le thème fait d'ordinaire son apparition. Et je suis convaincu que si une telle étude était entreprise, une manière de constante très significative ne tarderait pas à apparaître.

Le Président surgit dans la carrière de Jean Raspail vers la fin d'une période qui avait été amorcée par la rupture du Camp des Saints, - une période de création intense qui a conduit l'auteur à s'enfoncer petit à petit, toujours loin, dans le vaste horizon d'une Patagonie de légende; voire dans un au-delà du temps et de l'espace, anywhere out of the world, qui, dans Septentrion, prenait toutes les apparences d'un lent cheminement vers une mort inéluctable.

Après cela, Jean Raspail donne l'impression de tâtonner un peu : entre les récits conclusifs de sa série d'ouvrages consacrés aux Antilles (Bleu caraïbe et citrons verts, Les Antilles d'île en île) et le roman-biographie consacré à la figure d'Antoine de Tounens, une sorte de flottement se produit, comme si durant cette période Jean Raspail avait cherché un nouveau point d'ancrage, tout à la fois ferme, stable et solide, d'où il lui serait loisible de bâtir librement ses fictions à venir.

Or ce point d'ancrage, c'est d'abord en lui-même qu'il va le convoquer, dans le plus autobiographique, à ce jour, de ses romans : Les Yeux d'Irène - au terme d'une quête qui permet à son double/héros de traverser une bonne partie de la France et de renouer ainsi avec le réel, en en reprenant toute la mesure, tant dans sa dimension pour ainsi dire charnelle que dans sa dimension la plus spirituelle, par l'évocation de l'éternel combat du Bien et du Mal, dont l'homme peut devenir, en lui-même, le théâtre.

Et sans doute peut-on estimer qu'à un certain niveau, Le Président reprend et développe précisément cette thématique d'ordre spirituel consacré à l'affrontement du Bien et du Mal, mais en l'incarnant cette fois dans deux personnages, tout à la fois semblables et distincts. Le Président est donc aussi l'histoire d'une corruption : celle de l'Héroïsme - et de l'Amour; Héroïsme et Amour qui s'incarneront de la manière la plus pure dans le Bertrand Carré de L'Île Bleue.

Dans Le Président, les deux personnages de Pierre-Aimé de Boislieu - «héros disparu dans les chausse-trapes où s'abîmèrent tant de coeurs purs après la Libération...» [p.79] - et d'Elvire Bunus, née Malentraide, sont à cet égard hautement significatifs. L'un végète à côté de sa propre vie [voir, ci-dessous, extraits]; l'autre vit sa vie étrangère à elle-même, dans le vide incrédule d'un lendemain de fête. Deux zombies, en somme, qui semblent reprendre une apparence de vie avec le surgissement improbable d'une ombre dont l'apparition convoque le souvenir d'un autre monde, d'une autre vie, d'un monde et d'une vie engloutis à jamais. Mais justement : Est-ce que tout n'est pas condamné à ne plus être que théâtre d'ombres, désormais, illusions et faux-semblants? Existe-t-il seulement la moindre chance qu'il subsiste malgré tout quelque chose de vrai dans tout cela ?

La réponse ? La réponse au Président ? Mais ce sera Sire, bien évidemment qui, en 1991, l'exprimera. Ainsi  que Sept Cavaliers..., en 1993, ou bien encore Le Roi au-delà de la Mer, en 2000... Des romans qui, chacun à sa façon, nous signifient qu'il ne saurait y avoir désormais de compromis entre une certaine exigence - de vie - intérieure et un monde qui n'est plus qu'oubli, reniement moral et spirituel de soi, égoïsme, course folle au profit, au pouvoir - mais quel pouvoir ? - : « Un jour le Président avait dit à Boislieu... "Les ministres ne sont qu'apparence avec un gros train de maison. Ils ne gouvernent rien, n'ont prise sur rien... Moi-même, je ne suis qu'une apparence, un personnage de théâtre."»... Un monde où, peut-être..., l'héroïsme, l'épopée, l'Amour fou, l'oubli de soi pour une cause plus grande et plus noble que soi, ne font plus que tristes figures... ridicules. Ombres de rêves qui petit à petit se dissipent au loin, dans la brume crépusculaire d'un passé de légende...

Derrière une intrigue superbement construite, Le Président, constitue une sorte d'échos, douze ans plus tard, au Camp des Saints, dans la mesure où il inscrit dans l'ensemble des oeuvres de Jean Raspail une manière de nouvelle rupture, non plus sur le mode apocalyptique, mais sur le mode, bien davantage distancié, d'un constat à la fois navré et désillusionné. Si espoir il y a jamais eu, chez Jean Raspail, de modifier le cours des choses, de voir se produire une saine réaction à la corruption des coeurs et des esprits, cet espoir-là est ici abandonné, au profit de la vie de quelques individus choisis en lesquels survivent mémoire et fidélité, élans purs du coeur et de l'âme, élans purs de la Vie : ce seront, un peu à l'image des Alakaluf de Terre de Feu, Pharamond de Bourbon, Silve de Pikkendorff, Benoît...

Philippe Hemsen

EXTRAITS...

-I-

Tony était assis à son bureau, face à une petite baie à double vitrage qui était la seule donnant sur le paysage extérieur, comme un hublot de navire. Dehors, l'herbe ployait sous la bourrasque dans un silence d'aquarium. Dans son dos, Tony entendit la jeune fille poser le plateau sur la table basse et enfourner une bûche dans le feu.

‑ Nous veillerons tard ce soir, dit‑il.

‑ Je puis attendre. Je servirai.

‑ Il sera encore plus tard. Mes amis et moi, nous avons beaucoup de choses à nous dire. Tu nous laisse­ras. Tu monteras dans ma chambre. Tu te coucheras et tu t’endormiras.

La porte se referma dans le bruissement de l'épaisse tenture de laine qui parachevait l'isolement de la pièce. Tony se leva, fit glisser une nature morte représentant un rosier sauvage et qui dissimulait un coffre‑fort mural d'où il tira un épais classeur noir. Il le déposa sur son bureau et en dénoua les sangles. Puis il mastiqua lentement un sandwich au bacon, but deux tasses de café, alluma une cigarette et réfléchit un moment, l'oeil fixé sur la couverture noire comme si c'était une dalle de tombeau et qu'il craignait, en la soulevant, de libérer quelque force malfaisante. A la fin, il s'y décida. Une étiquette identifiait le dossier

ANTOINE BUNUS

1944‑1945

Le couvercle de ce cercueil ouvert, s’échappèrent des flots de documents qui répandirent sur le bureau une légère poussière de décomposition. Il y avait des photos jaunies, des coupures de presse d'un méchant papier de guerre effrangé et craquelé, des lettres de différentes écritures, quelques messages sur papier bible devenus presque illisibles et qui lui avaient été confiés autrefois, réduits à une minuscule boulette prête à être avalée, d'autres coupures de presse en anglais, quelques extraits du journal officiel de la France libre datés de Londres ou d'Alger et de celui du Gouvernement pro­visoire de la République française, enfin, dans une enve­loppe, une décoration formée d'un ruban vert et noir et d'une médaille représentant une croix de Lorraine inscrite dans un glaive, et une photographie.

Tony Rosette balaya d'un double geste la masse des documents et dans l'espace ainsi ménagé déposa la photo et la croix, qui était celle de la Libération. Puis appuyant son front sur ses mains, accoudé au bureau, il ouvrit la porte de sa mémoire qu'il tenait dose depuis quarante ans.

 

-II-

Ainsi, ce matin du 7 février, Pierre-Aimé de Boislieu, secrétaire général adjoint de la Présidence de la République, se leva comme jour ordinaire à la demie de sept heures et se dirigea vers la cuisine où il alluma la radio et entreprit de se faire du café. Il habitait un petit appartement de trois pièces avec terrasse ensoleillée au dernier étage d'un immeuble de la rue Fortuny, dans le XVIIe ennuyeux et discret. Cela convenait à son tempérament. Veuf, il y vivait seul, ses deux fils depuis longtemps casés au sein d'une médiocrité de bon aloi. Il ne s'était jamais remarié. Même cette aventure-là lui aurait paru risquée. Le chef du réseau Honneur et jeunesse, compagnon de la Libération, héros de la Résistance, s'était éteint très tôt à la vie. Conscient, il ne s'en était jamais plaint. Son père et son grand-père avant lui, après des départs foudroyants, avaient de la même façon abandonné toute ambition. Lassitude d'une trop vieille famille ? Dégoût de la lutte au couteau quotidienne ? Incapacité de bluffer, de paraître, de se faire mousser ? Répulsion à briguer ? Toujours est-il que le héros, disparu dans les chausse-trapes où s'abîmèrent tant de coeurs purs après la Libération, avait végété dans la moyenne administration anonyme jusqu'au jour où le général de Gaulle, en 1958, retrouvant par hasard son compagnon lors d'une visite officielle en province, l'avait fait nommer sous-préfet. Sous-préfet, il l'était encore, à soixante-deux ans, près de trente ans plus tard, et pas même au dernier échelon. De voie de garage en voie de garage, après la chute du général, il s'était retrouvé directeur d'un orphelinat d'État à Villejuif C'était que huit mois auparavant, dans un bureau sombre et sinistre, son unique téléphone avait retenti entre une pile de factures à viser et un cendrier plein de trombones.

 

Quatrième de couverture

Table

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