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Le Royaume
de Borée - Tome
3 :
Tristan
Des trois tomes du Royaume de Borée, celui-ci est le
plus dense, le plus long aussi - 64 pages, quasiment 10 de
plus que les autres albums, ce qui s'explique par le fait qu'à
l'origine la série devait comporter quatre albums.
Mais la nécessité de raconter toute la dernière partie en un seul
volume, depuis l'époque napoléonienne jusqu'à aujourd'hui, pour ainsi
dire, a imprimé à l'ensemble une intensité dramatique qui accentue
encore l'impression de chute irrémédiable, de course inexorable vers la
fin définitive d'un monde - quelque chose de si typiquement raspailien !
Le destin du petit homme couleur d'écorce bascule avec l'avènement du
monde moderne. Cela rappelle Qui se souvient des hommes... Mais
avec lui, c'est aussi quelque chose comme le rêve d'au-delà de l'horizon
qui s'évanouit, ne demeurant plus que dans la mémoire nostalgique de
quelques-uns. La chaîne immémoriale a été rompue. On ne regarde plus
l'horizon avec des désirs d'évasion, de dépassement de soi, peut-être
aussi de transgression; on se retourne désormais vers le passé pour se
remémorer un rêve perdu dont il ne
subsiste plus, avec les souvenirs vagues de quelques-uns, qu'une flèche,
comme un écho à la
Hache des steppes...
«
Doucement,
avec l'onction ecclésiastique, je reposai l'objet sur ma table de
travail. Table de travail, table de rêve.
»
Et le tour de force accompli par
Jacques Terpant, depuis le début de son travail sur l'oeuvre romanesque
de Jean Raspail se vérifie un fois de plus ici - et ô combien ! Car ce
que parvient à convoquer Jacques Terpant ici, c'est ce qui se laisse le
plus difficilement traduire dans une bande dessinée : l'émotion. On
referme l'album, les larmes aux yeux, tant on se sent submergé par la
beauté évocatrice des dernières vignettes qui traduisent et résument si
magnifiquement le talent de l'auteur à travers toute cette adaptation :
cette infidèle fidélité au texte, à l'esprit de Raspail, qui s'imposait
en passant de l'écrit à l'image, mais qui constituait aussi un énorme
défi. Jacques Terpant a su le relever avec plus que du talent, du
panache, de la poésie et une immense générosité.
Chapeau l'artiste !
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